En haut des Carpates

Moldoveanu, Făgăraș, Roumanie

Remerciements

Je suis reconnaissante pour cette sortie envers George de Trailsylvania, ami de longue date, géographe et guide, qui a fait le chemin depuis Timișoara pour m'accompagner dans ce caprice : tenter l'ascension du Moldoveanu (2544 m), le plus haut sommet de Roumanie, en un seul jour. Ensuite, je suis également très, très reconnaissante envers mes bâtons de marche, qui ont bien géré la rude face nord, et bien sûr, à notre "petit" Leica X-U, agile compagnon de route qui, malgré le brouillard et les gouttes de pluie, m'a donné l'occasion de prendre quelques belles photos de ce trajet peu connu.

Première partie de l'ascension : la forêt

Du chemin forestier au refuge d'Izvorul Viștei (la source de la Viștea)

Réveil à 5h du matin. Après deux thés noirs, nous sautons dans la voiture et prenons le chemin poussiéreux qui remonte au sud de la petite ville de Victoria, au-delà du combinat chimique Viromet. Le chemin s'enfonce petit à petit dans la forêt, de plus en plus sinueux et raviné. C'est quand la voiture de George n'est plus capable de franchir les ornières que nous sortons nos bâtons et sacs à dos et que nous commençons à marcher. Le chemin forestier longe le cours de la rivière Viștea Mare pour quelques kilomètres. Sans s'en aperçevoir, le chemin devient sentier et le sentier devient un tracé étroit envahi de grandes bardanes (Arctium lappa) et fougères qui montent jusqu'à l'épaule. C'est le moment où je me pose la question comment George a pu avoir l'idée de venir en shorts plutôt qu'en pantalon... Nous poursuivrons à un bon rythme parmi les pins et les sapins qui nous guideront jusqu'au refuge d'Izvorul Viștei, où nous ferons notre première pause.

Deuxième partie de l'ascension : le cirque glaciaire et le versant

Du refuge Izvorul Viștei (1353 m) à la brèche Portița Viștei (2300 m)

Si le sentier jusqu'au refuge, malgré ses pentes et ses jungles de bardane, nous a paru plutôt une promenade dans un parc, la partie la plus intéressante (pour ne pas dire "inquiétante") commence ici. En partant du refuge d'Izvorul Viștei, le paysage forestier laisse lentement place aux genévriers et aux éboulis, quand apparaissent les pâturages alpins et leurs torrents sous-glaciaires. La vallée en auge nous entoure de ses crêtes vertigineuses faites de schistes cristallins, parfois rocheux, parfois couverts de vert. Il pleut. Le brouillard s'installe et ne nous laisse pas deviner la paroi nord du versant, que nous savons pourtant quasi-verticale et austère. Mais, de cette façon, je ne me sens ni enivrée, ni accablée par les hauteurs. Sans voir le sommet, je peux me concentrer sur mes pas, sur là où je mets les pieds, et c'est bien, car juste au-dessus du cirque glaciaire, la pente se raidit. Vraiment. Éboulis, vieilles herbes et neiges : tout glisse. Nous avons à franchir des nombreuses rimayes et des marches à façonner dans la neige glacée. Après une heure de peines sur le versant, nous sommes soulagés d'arriver en haut de la brèche de Portița Viștei ("la petite porte de Viștea").

Troisième partie de l'ascension : le chemin de crête

Les sommets du Viștea Mare (2527 m) et du Moldoveanu (2544 m)

Enfin, nous sommes sur la crête. Derrière nous, nous laissons la face nord et ses brouillards ; devant nous s'ouvrent les paysages somptueux et les larges vallées glaciaires de la face sud. Nous entamons une nouvelle montée vers l'ouest, cette fois-ci sur les gros rochers désertiques du troisième sommet des Carpates Méridionales, Viștea Mare (2527 m). Si jusqu'à maintenant nous avions croisés que des myriapodes et des salamandres, ici on rencontre des groupes et des groupes de randonneurs venant du sud, via Valea Rea, une route plus courte et plus facile pour accéder au Moldoveanu.

En moins de 30 minutes, nous arrivons en haut du Viștea Mare. Nous prenons quelques photos, mais la ferveur et l'adrénaline nous poussent vite vers notre terminus, le Moldoveanu. Toujours rocheuse, la sente de la crête redescend, traverse ensuite une brèche enneigée un peu plus technique et remonte de nouveau jusqu'à 2544 m au sommet du Moldoveanu. Là, nous sommes seuls. Nous respirons. Sourions. Baignés de soleil et de brouillards mouvants, entourés de vallées glaciaires parsemées de neige, le panorama nous fait oublier la difficulté de l'ascension et le soleil doux nous réchauffe les cheveux mouillés. Nous déjeunons assis sur le toit des Carpates.

La descente

Bye, bye Moldoveanu !

Après un sandwich, un œuf dur et quelques pâtes de fruits, nous commençons à penser à la descente. Pas sans appréhension. La perspective de la traversée imminente de la face nord ne nous réjouit pas trop. Nous disons au revoir au Moldoveanu, à la brèche enneigée et aux pentes vertigineuses qui nous ont donné tant d'émotions... Nous commençons un chemin qui nous évitera de refaire le sommet du Viștea Mare et nous arrivons bientôt à Portița Viștei, la selle qui sépare les mondes et nous oppose deux visions : le nord du sud, le soleil du trou noir, le paradis de l'enfer. Nous plongeons à contre-cœur dans le brouillard sombre. Avec beaucoup d'attention, nous nous concentrons sur nos pas, nous refaisons des marches dans la neige, ensuite dans les herbes et les éboulis mouillés. J'attendais la partie difficile. Lorsque nous rejoignons le cirque glaciaire, je me rends compte qu'elle était déjà derrière nous. Soulagés, de nouveau au soleil, nous tempérons notre rythme, remplissons nos gourdes à la source qui surgit du versant nord et profitons de la vue d'un troupeau de chamois (Rupicapra rupicapra) qui s'offre à nous.

En se retournant en arrière, on n'arrêtait pas de se demander : "Peux-tu croire que nous sommes venus par là-haut ?"

En conclusion

Pour ceux qui souhaitent grimper au sommet des Carpates Méridionales, au plus haut sommet de Roumanie, je recommande ce trajet qui longe la vallée de Viștea. Même si c'est un peu plus long et difficile que les trajets qui viennent du sud (notamment Valea Rea), il offre des paysages somptueux et surtout un chemin plus calme, où vous aurez toutes les chances de vous retrouver seuls au milieu de la nature.

Rendez-vous à la Galerie pour plus de photos du trajet.

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