Fantaisie Lithique

Le Temps et la Matière

Le temps

Dans sa quête de structure, l’esprit cartésien découpe le temps en unités tangibles – secondes, heures, jours, siècles – tentant d’arrimer son existence dans un continuum défini. La matérialité du temps apporte l’illusion de contrôle, de sens et une place au sein de la chronologie. Inversement, il est possible de dématérialiser l’espace jusqu’à perdre échelle et repère, de sublimer la matière en minuscules particules de temps. Affranchie d’elle-même, la matière devient tout aussi élusive que le temps qui l’a façonnée.

À travers l’objectif macro, le grain de sable se déleste de son poids et se fond dans le temps bergsonien, flou et onirique. « Fantaisie lithique » témoigne d’une marée géologique sans commencement ni fin et révèle le temps dans sont état primordial, au-delà des frontières matérielles de la perception.

Inspirée par les idées d’Henri Bergson sur le temps, cette collection de poèmes visuels incite à méditer à la fluidité de l’existence, à l’interaction entre le visible et l’invisible, le tangible et l’insaisissable, au travers de la pétrographie en perpétuelle transformation des chaos gréseux de Fontainebleau.

La matière

Descendant des protolithes granitiques et magmatiques riches en silices cristallisés au cours des orogenèses précambriennes (-540 millions d’années), le grain de sable de Fontainebleau prit forme sous la caresse abrasive des mers qui recouvrirent la région au fil des âges. Durant la première subdivision de l’Oligocène (-35 millions d’années), la mer Stampienne submergea le Bassin Parisien, déposant de nouveaux sédiments sur les strates plus anciennes. C’est à cette époque-là que les sables blancs fins de Fontainebleau se sont formées, pouvant atteindre par endroits une épaisseur de 60 mètres.

À la fin de l’Oligocène (-23 millions d’années), le soulèvement du socle alpin au sud-est provoqua le retrait de la mer vers le nord-ouest, laissant derrière un relief de cuestas sédimentaires exposées et vallonnées. Progressivement, sous l’action antagonique des cycles d’évaporation et de gel, ainsi que des fluctuations de la nappe phréatique, les lithoclastes furent cimentés en de gigantesques morceaux de grès. Cette diagenèse relativement récente, datant du Pléistocène moyen (-500.000 d’années), fut à l’origine des platières de grès enchâssées dans le sable de Fontainebleau.

Sous l’effet des pulsions phréatiques, lithostatiques et lacustres ultérieures, les platières furent progressivement démantelées, notamment celles mises à l’affleurement sur les fronts des anciennes cuestas. Ce processus, toujours en cours, est responsable du chaos gréseux actuel de Fontainebleau, un paysage constitué de plus de 27 000 curiosités géologiques qui fascinent à la fois les géologues et les grimpeurs du monde entier.

© Mădălina Diaconescu
Projet photographique débuté en 2020
Photographie numérique Leica M240

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